L'histoire
du Mont Saint-Michel commence par une légende:
Au
début du VIIIème siècle, en 708, Aubert, évêque
d'Avranches, suite à une apparition de l'archange
Saint-Michel reçoit l'ordre de construire un édifice dans
lequel seraient loués les mérites de l'archange. Le pauvre
évêque croyant follir n'ose rien faire et décide
d'attendre. Une seconde
fois l'archange lui apparaît,
et Aubert doute toujours. Mais à la troisième apparition de
l'archange plus aucun doute ne subsiste à l'esprit de
l'évêque, car Saint-Michel, furieux de ne point avoir été
écouté laisse à Aubert une preuve de son pouvoir: dans le
crâne de l'évêque apparaît un trou circulaire. Mais l'évêque ne doit pas trop en
souffrir car il ne mourra que des années plus tard.
Aujourd'hui le crâne d'Aubert est conservé dans la basilique
d'Avranches. Cette histoire est-elle vrai ou fausse? Personne
ne peut apporter la preuve qui fera pencher la balance d'un
côté ou de l'autre. Quoi qu'il en soit, l'évêque certain
que ces visions n'étaient point à mettre sur le compte de la
folie, entreprend les travaux commandés par l'archange. Il fait construire un petit oratoire en forme de grotte pouvant
contenir une centaine de personnes. Il ne reste rien de cette
construction sauf un mur visible dans l'une des salles de
l'abbaye (Notre Dame sous terre). En
709, construction d'une petite église
par Aubert.
Pendant deux siècles
des chanoines accueilleront les pèlerins mais au fil du temps
ils délaisseront leur mission. Las de cette chose le duc de
Normandie, Richard 1er, décide de remplacer les chanoines par
des moines bénédictins venus de l'abbaye de Saint-Wandrille.
Cela se passe en 966,
c'est cette année qui est retenue comme celle de la
fondation de l'abbaye. Les bénédictins sont de grands bâtisseurs.
Ils font construire une église et quelques bâtiments.
Les pèlerins affluent de plus en plus nombreux et la
renommée du Mont Saint-Michel ne tarde à être connue de par
tout le royaume. Par temps de brouillard, de nombreux pèlerins
se perdent sur les grèves et périssent noyés. De plus, les
lises, sortes de sables mouvants, ensevelissent les imprudents
qui s'aventurent dans la baie sans l'aide d'un guide.
Au pied de l'abbaye, une petite ville se construit. Les
maisons pour la plupart en bois servent à accueillir les pèlerins.
Dès le début du millénaire le métier d'hôtelier existe
donc déjà au Mont Saint-Michel. Au sommet du rocher, les
moines quant à eux ne perdent pas leur temps, grâce à
de nombreux dons, ils bâtissent une vaste église et plusieurs bâtiments annexes: un réfectoire
(lieu où les moines prennent leurs repas), un dortoir (lieu où
ils dorment), une salle de travail, un promenoir (lieu de détente),
une aumônerie (lieu où les pauvres sont reçus et reçoivent
l'aumône qui consiste souvent en un léger repas).
Quand le duc de Normandie Guillaume le Conquérant décide
d'envahir l'Angleterre, il demande son aide à l'abbé du
Mont. Celui-ci fait armer quatre bateaux. Après la victoire
d'Hastings, Guillaume en signe de reconnaissance fera don de
plusieurs territoires Anglais à l'abbaye. En un siècle
l'abbaye s'est considérablement enrichie et agrandie. Mais en
ce début de XIIème siècles, les malheurs vont se succéder.
En 1103 le côté nord
de la nef de l'église s'effondre. Dix ans plus
tard un incendie se déclare dans une maison de la ville. Le
feu se propage de maison en maison et finit par atteindre
l'abbaye. Moins de vingt ans après cette catastrophe un
nouvel incendie enflamme de nouveau l'abbaye. Cette fois s'en
est trop pour les moines qui se relâchent et ne font plus sérieusement
leur office. Pourtant un homme parvient à lui seul à
redonner à l'abbaye son éclat antérieur: Robert
de Thorigny, élu abbé en 1154. Diplomate il parvient à
réconcilier le roi de France avec le duc de Normandie. Erudit,
il acquiert un nombre important de livres ( les livres à
cette époque ont beaucoup de valeur) et en écrit
quelques-uns. Bâtisseur, il fait construire plusieurs bâtiments
dont une plus vaste aumônerie pour accueillir plus de pèlerins.
A sa mort l'abbé Robert de Thorigny laisse une abbaye plus
puissante, plus riche et totalement revitalisée au niveau
spirituel. Dès le début du XIIIème siècle, le duc de Normandie et le roi de France entrent en guerre.
Les Bretons alliés pour l'occasion au roi de France montent
une armée et marchent vers le Mont qu'ils enflamment. En
1204 la Normandie est rattachée au royaume de France.
Le roi de France
Philippe-Auguste, pour dédommager le monastère du préjudice
causé par les Bretons alloue une forte somme d'argent à
l'abbaye. Cet argent est immédiatement investi dans la
construction de la Merveille. La construction de ce bâtiment
sur un terrain aussi peu propice (le terrain est en pente) est
un véritable tour de force. En 1228 le cloître, sommet de l'édifice,
est achevé. Très peu d'évènements viendront marquer le reste du XIIIème siècle,
les abbés se succèdent, tous apportent leur marque dans la
construction du Mont: pour remplacer l'ancienne palissade en
bois, des tours et des remparts sont construits, les logis
abbatiaux sont également bâtis durant cette période.
Au
début du XIVème siècle commence la guerre dite de Cent Ans.
L'abbaye perd la totalité de ses revenus provenant de ses
prieurés Anglais. En 1356, les Anglais s'emparent de Tombelaine et prennent pour cible le
Mont Saint-Michel. Le chevalier Du Guesclin est nommé
chef de la garnison du Mont. A la tête de ses troupes il
remporte victoire sur victoire et éloigne pour plusieurs années
la menace Anglaise. Pierre
le Roy est élu abbé en 1386, conscient du danger que
représentent les Anglais, il décide de construire de
nouvelles défenses pour l'entrée de l'abbaye. La tour
Perrine, la tour des Corbins et plus particulièrement le Châtelet
donne à l'entrée du monastère une défense infranchissable.
Les Anglais après une période de répit reprennent
l'offensive et, après la défaite du roi de France à
Azincourt, plus rien ne semble pouvoir les arrêter. Robert
Jolivet le nouvel abbé, organise,
grâce à de nombreux impôts, la
construction des remparts
afin de protéger la ville qui
devient elle-même une protection pour l'abbaye. En homme prévoyant,
il fait construire une citerne pour alimenter en eau douce les
moines, les soldats et les habitants du Mont. Quand Rouen,
capitale de la Normandie tombe aux mains des Anglais, toute la
région sauf le Mont Saint-Michel est occupée par les
Anglais. Devant tant de puissance l'abbé Robert Jolivet
abandonne son monastère et propose ses services au roi
d'Angleterre. En 1424,
les Anglais assiègent le Mont, mais l'aide de l'abbé est
inutile. Il a si bien conçu le système défensif de la ville
que rien
ne parvient à l'ébranler. Les Montois (nom donné aux
habitants du Mont) parviennent même par quelques attaques éclairs
à décourager les Anglais. En
1425, après avoir subi une défaite plus cuisante que les
autres, les Anglais se replient.
Après cette
victoire, malgré les menaces qui pèsent toujours sur la région,
les pèlerins affluent au Mont pour rendre hommage a l'ultime
défenseur du royaume: l'archange Saint-Michel.
En 1433, un incendie ravage une partie de la ville, les
Anglais voulant profiter de cette occasion regroupent leur armée
et préparent l'attaque. En 1434, les Anglais se ruent sur le
Mont Saint-Michel, une bataille sanglante s'en suit. Les
Anglais parviennent à faire une brèche dans le
rempart et pénètrent dans la ville en criant déjà
victoire. Heureusement, le capitaine du Mont réorganise ses
troupes et contre-attaque si puissamment que les Anglais
prennent la fuite en abandonnant deux bombardes. La victoire
des troupes Montoises redonne confiance aux armées Françaises
et, sur tout le territoire, les Anglais reculent. La bataille
de Formigny, en 1450 apportera finalement la paix à la
Normandie.
Comme nous venons
de le voir Louis XI institua l'ordre des Chevaliers de Saint- michel ! Ce roi très pieux se rendit quatre
fois au Mont. Lors de son dernier passage, il demanda
l'installation de la cage de fer. Le Mont Saint-Michel devient ainsi une prison. A
partir de 1523, les moines n'élisent plus leur chef. C'est
le roi en personne qui désigne le nouvel abbé: cela
s'appelle la commende. Généralement, cet abbé n'est pas
un ecclésiastique, et il se fait souvent nommer pour profiter
des revenus de l'abbaye. Les moines, à partir de cette date
ne trouvent plus de motivation dans leur vie spirituelle et
bien que les pèlerins soient toujours aussi nombreux ils délaissent
l'abbaye. Les moines
qui furent
jusqu'à soixante sous la prélature de Robert de
Thorigny ne sont plus que treize en 1580. En 1591, la
menace effrayante de la
guerre de religion se rapproche du Mont Saint-Michel. Les
protestants veulent prendre l'abbaye. Sous les ordres de
Montgomery, un groupe d'hommes se rapproche de nuit, jusqu'au
pied de l'abbaye. Là, pensant obtenir l'aide d'un soldat
ennemi acheté quelques jours auparavant, ils attendent que
celui-ci les hissent à l'intérieur de l'édifice. Et, de
fait, les protestants se retrouvent bientôt à plus de
quatre-vingts dans le monastère. Montgomery, étonné de
n'entendre aucun bruit de bataille à
l'intérieur demande à l'un de ses plus fidèles
soldats de monter. Arrivé dans le cellier, ne voyant aucun
des siens, il comprend le stratagème et hurle pour prévenir
son chef "Trahison, Trahison!"
Entendant cela les protestants s'enfuirent laissant
derrière eux quatre-vingt-dix- huit des leurs.
En 1594, la
foudre tombe de nouveau sur le clocher de l'abbaye. La flèche
est complètement détruite et une partie de la charpente de
l'église est réduite en cendres. L'abbé refuse de faire
entreprendre les réparations, ce n'est que quinze ans plus
tard que clocher est reconstruit. Les abbés qui se désintéressent
de leur abbaye, les pèlerins qui viennent moins nombreux, et
la lassitude des moines sont les causes d'un grand
bouleversement au Mont. En
1622, les moines sont remplacés par neuf moines Bénédictins
de la Congrégation de Saint-Maur (des Mauristes). Ces
religieux, sont extrêmement cultivés. Désirant faire
partager leur savoir, ils ouvrent une école où une dizaine
d'élèves suivent des cours. Malheureusement les Mauristes
sont de piètres bâtisseurs. Au lieu de réparer les trois
travées de la nef de l'église qui menaçaient de
s'effondrer, ils les démolissent. A la place du trou laissé
ils construisent une façade d'un style plutôt laid.
L'élan apporté
par les Mauristes sera de courte durée car le système de la
commende ruine l'abbaye. Les revenus du monastère
s'effondrent et les moines s'endettent. La précarité de
l'abbaye est grande, la Révolution achève sa ruine. En
1790, les moines sont chassés de l'abbaye. Tous
les biens sont vendus en 1792. Avec la Révolution, le Mont
Saint-Michel devient une véritable prison. A partir de
1792, trois cents prêtres sont enfermés dans les murs de
l'abbaye. Ils seront libérés en 1799. A leurs suites seront
internés des forçats. Toutes les salles de l'abbaye sont
transformées en ateliers. Les
prisonniers seront jusqu'à sept cents à travailler dans ces
pièces, aussi pour augmenter la surface utilisable, un
plancher sépare l'église abbatiale. L'administration pénitentiaire
délaisse totalement l'entretien des bâtiments et en
1817, l'ancienne hôtellerie, bâtie durant le règne de
Robert de Thorigny, s'effondre. En
1834, un incendie se déclare
dans l'église abbatiale transformée en atelier à chapeaux.
La toiture est détruite et les travaux de réparations sont
trop modestes par rapport à l'ampleur des dégâts. Chaque
jour l'abbaye s'enlaidit un peu plus. Heureusement des hommes
célèbres, principalement des écrivains (Hugo, Flaubert...
), affligés par un tel désastre, font pression sur le
gouvernement. Enfin, en
1863 la prison est supprimer.
L'abbaye est louée à l'évêque de Coutances. Des
moines habitent de nouveau l'abbaye. Les pèlerins reviennent
animer le Mont Saint-Michel. Les hôtels, restaurants et
magasins de souvenirs ouvrent de nouveau leurs portes à des
visiteurs de plus en plus nombreux. L'abbaye
qui menace ruine de toute part est
classée au registre des monuments historiques en 1874.
Les moines sont de nouveau expulsés, mais cette fois pour une
cause juste. L'architecte Edouard Corroyer est nommé pour
entreprendre les travaux de restauration. C'est sa servante
Annette Poulard qui est à l'origine de la fameuse omelette
toujours très prisée aujourd'hui. Les travaux de
restaurations donnent au Mont Saint-Michel son apparence
actuelle quand en 1898 la flèche est achevée. Lors de la célébration du millénaire
du Mont en 1966, des moines ont formé une petite communauté.
Installés dans les logis abbatiaux, ils demeurent depuis à
l'année sur l'îlot. La ville quant à elle accueille un flot
constant de visiteurs, 3 millions par an, et c'est aussi un
peu grâce à cela que le Mont saint-Michel est aujourd'hui ce
qu'il est.
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